Lettre au congrès de la CSI

23 06 2010

Notre camarade Farzad Kamangar, militant ouvrier exécuté le 9 mai 2010 à Téhéran

Courrier adressé à la Confédération Syndicale Internationale à l’occasion de l’ouverture de son congrès à Vancouver le 22 juin.

Besançon, 22 juin 2010

Cher(e)s camarades,

Tout d’abord veuillez recevoir mes plus sincères voeux de réussite pour votre congrès qui s’est ouvert aujourd’hui à Vancouver. Comme vous le savez, partout dans le monde, c’est au monde du travail que l’on fait payer les prix de la crise, par des licenciements, des coupes budgétaires et des remises en cause des conquêtes ouvrières. Et, pour imposer des mesures d’austérité toujours plus violentes aux travailleurs, des États n’hésitent pas à utiliser la force la plus brutale pour réprimer les syndicalistes et les militants ouvriers.

L’actualité de la République Islamique d’Iran montre jusqu’à quel point peut aller cette politique de terreur contre des militants ouvriers et syndicalistes. Vous le savez, le 9 mai 2010, Farzad Kamangar, enseignant et militant syndical, a été exécuté avec quatre autres prisonniers politiques à Evin. En plus de cette sauvage exécution, c’est quasiment quotidiennement que des militants syndicalistes sont harcelés par les forces du régime. Comme vous le savez, Mansour Osanloo et Ebrahim Madadi, de la direction du syndicat de la Compagnie de Bus Vahed de Téhéran et Banlieue, sont emprisonnés depuis un long moment, avec de graves inquiétudes pour Mansour Osanloo, régulièrement enfermé en cellule d’isolement et victime de violences et de harcèlement en détention, alors que son état de santé nécessiterait qu’il soit libéré pour être soigné. Récemment, d’autres militants de ce syndicats ont été arrêtés comme Saeed Torabian le 9 juin 2010 et Reza Shahabi le 12 juin 2010. Et nous craignons que Habib Rezapour, un autre militant de ce syndicat, soit lui aussi arrêté prochainement.

Des militants d’autres organisations ouvrières sont aussi victimes de la répression. Behman Ebrahimzadeh, membre du Comité de Coordination pour la Formation d’Organisations Ouvrières, a été arrêté le 12 juin et a été violemment battu. Alireza Akhawan, collaborateur de la Fondation des Défenseurs des Droits des Travailleurs, a été arrêté le 3 juin. Pezhman Rahimi, militant ouvrier actif de la région du Khuzestan, a été arrêté le 17 avril, accusé de troubles à la paix, et condamné par le Tribunal Général d’Ahvaz à un an de prison et à quarante coups de fouets. Il serait trop long de détailler ici tous les cas de militants ouvriers et syndicalistes victimes ces derniers mois de la répression de la République Islamique. Notons que cette vague de répression touche aussi des syndicalistes enseignants, dont plusieurs ont été emprisonnés, comme Abdol Reza Ghanbari ( qui a été condamné à mort), Seyed Hashem Khastar, Rasoul Bodaghi, Abdollah Momeni, Mahmood Bheshti Langerudi, Ali Akbar Baghani, Mohammad Davari, Ali Reza Hashemi, Hosein Bastani-Nezhad, et Gorban Ahmadi.

La Confédération Syndicale Internationale s’est déjà mobilisée à plusieurs reprises pour la défense des libertés syndicales en Iran. Aussi, votre congrès étudiera certainement les moyens de coordonner la solidarité internationale avec les travailleuses et les travailleurs d’Iran et les moyens dont dispose le mouvement syndical mondial pour faire pression sur la République Islamique.

A ce propos, je vous rappelle que, peu avant l’ouverture de la 99ème session de l’OIT à Genève, l’Union Locale CGT d’Epinal (France) avait lancé l’appel suivant :

Solidarité avec les syndicalistes et les travailleurs iraniens :

Etat iranien, hors de l’OIT !!

Depuis bientôt un an, les travailleurs et la majorité du peuple iranien se battent contre le régime dictatorial. Des milliers de manifestants et de militants ont été arrêtés et bien souvent torturés. Ils luttent pour la chute du régime mais aussi pour obtenir des droits syndicaux. Cet élan donne naissance à des syndicats clandestins ou semi-légaux comme celui des Transports Publics de Téhéran.

Les autorités veulent donc briser cet élan démocratique

Le dimanche 9 mai, les autorités islamiques en Iran ont exécuté 5 militants : Ali Heydarian, Farhad Vakili, Shirin Alam-Houli et Mehdi Eslamian mais aussi Farzad Kamangar ancien porte parole du syndicat des enseignants du technique du Kurdistan, membre de la Ligue de Défense des Droits de l’Homme.

Ces militants ont subi la torture la plus sauvage et ont été jugés dans des conditions caricaturales.

Leur exécution est utilisée par leur régime comme un exemple. Pour autant cette stratégie sanguinaire n’a pas fonctionné.

Le 13 mai plusieurs organisations ouvrières clandestines ont appelé à la grève au Kurdistan iranien pour protester contre ces exécutions et empêcher l’assassinat d’une vingtaine d’autres militants menacés.

Cet appel à la grève a remporté un large succès dans les villes de la province, malgré l’état de siège instauré par les autorités. Les forces de l’ordre de la dictature ont essayé d’empêcher les manifestations, d’où des affrontements de plusieurs heures dans certaines villes. De nombreuses entreprises, écoles et universités étaient fermées dans la province. La majorité des commerçants se sont joints à cet appel

Cette mobilisation démontre que les travailleurs et la majorité du peuple iranien contestent la légitimité et la violence du régime en place.

Solidarité internationale

Mais la bataille pour la respect des libertés démocratiques et syndicales ne doit pas uniquement reposer sur nos camarades iraniens. Nous estimons que les organisations syndicales françaises et internationales doivent se joindre à ce combat et montrer ainsi une véritable démarche internationaliste.

Le 2 juin s’ouvrira à Genève une conférence de l’Organisation Internationale du Travail. Plusieurs organisations ouvrières iraniennes demandent depuis des années à l’OIT d’exclure l’Iran de la liste des Etats participants à cette institution internationale.

Comment accepter qu’un Etat qui ne respecte aucune liberté syndicale, qui assassine, viole et torture les militants syndicaux, puisse participer aux travaux de l’OIT ?

Nous, organisations syndicales, demandons à nos représentants syndicaux à l’OIT d’exiger l’exclusion de l’Etat dictatorial iranien de cette institution internationale.

Cet appel a été signé par les organisations syndicales françaises suivantes : Union Départementale CGT des Vosges ; Union Locale CGT de Chinon, Union Locale CGT de Saint-Dié des Vosges, Union Locale CGT de Mirecourt, Union Locale CGT d’Epinal, Union Locale CGT d’Annecy, ainsi que par les syndicats CGT Streit France (Thaon les Vosges), CGT Carrefour Jeuxey , Local Construction CGT 31, CGT Tyco Electronics France SAS (usine de Chapareillan), CGT Fives Cryo (Golbey), CGT Mission Locale Vosges, CGT SDEN 56, CGT SDEN 45, CGT Mory (88), CGT ADDSEA (Doubs), Syndicat Alternatif des Instituteurs et Professeurs des Ecoles de la Réunion (SAIPER 974), et SUB-CNT 68, Tendance Intersyndical Emancipation et SUD Solidaires.

Si la 99ème session de l’OIT s’est terminée le 18 juin, les bases de cet appel sont, avec la nouvelle vague de répression contre des militants ouvriers, plus que jamais d’actualité. Un Etat qui assassine et emprisonne des syndicalistes n’a, en effet, rien à faire au sein de l’OIT censée œuvrer à l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleuses et des travailleurs.

Un appel de la Confédération Syndicale Internationale, ou même de plusieurs de ces structures nationales, demandant l’exclusion de la République Islamique d’Iran de l’OIT, serait une pression considérable sur la République Islamique d’Iran et aiderait aussi à montrer à nos camarades emprisonnés et à tous les syndicalistes iraniens que les travailleurs d’Iran ne sont pas seuls.

Vous souhaitant encore une fois un bon congrès, veuillez agréer, cher(e)s camarades, mes sincères salutations syndicalistes et solidaires,

Le Délégué Syndical CGT ADDSEA


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