Faux amis… et vrais ennemis

25 08 2010

Nous n’avons pas attendu l’appel de Bernard-Henri Levy pour nous mobiliser contre la lapidation, la peine de mort et plus largement contre la République Islamique d’Iran. Pour les camarades iranien(ne)s cela fait 31 ans que le combat est mené, dans les rues, les usines et les universités des grandes villes, dans les montagnes du Kurdistan ou en exil. Ce combat n’est pas une lutte nationaliste, mais entre dans une lutte plus générale pour l’émancipation de l’humanité. Et cette lutte pour l’émancipation de l’humanité se dirige non seulement contre le régime de la République Islamique d’Iran mais plus généralement contre l’ensemble des dirigeants de cette planète, qu’ils oppriment et exploitent sous le drapeau de la religion, la bannière étoilée ou le fanion tricolore.

Depuis les manifestations insurrectionnelles du mois de juin 2009, et même avant depuis la contre-révolution islamique qui a brisé et réprimé le formidable élan populaire et les conseils ouvriers de la révolution de 1978-1979, nous avons toujours rappelé notre opposition résolue à toute intervention militaire ou sanctions économiques contre l’Iran. Loin d’être en guerre contre l’Iran, nous sommes solidaires de sa population, de ses femmes et de sa classe ouvrière qui luttent pour en finir avec 31 ans de barbaries, d’exécutions, d’apartheid sexiste, de misère et d’oppression.

BHL est connu pour avoir soutenu toutes les aventures militaristes des Etats occidentaux, des bombardements sur la Yougoslavie et leurs « dommages colatéraux » à l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak. Pour ne prendre que ces deux pays, il est facile de constater que l’occupation impérialiste, non seulement a ajouté à la population les souffrances de la guerre, mais n’a en rien favorisé les droits humains en général et les droits des femmes en particulier. En Irak, c’est sous l’oeil bienveillant des troupes d’occupation américaines que la Charia est entrée dans la législation, quant à l’Afghanistan, c’est bien Karzaï, chef de l’actuel République Islamique d’Afghanistan (c’est le nom officiel de ce régime), qui, il y a un an, a instauré des lois discriminatoires dignes des Talibans à l’encontre des femmes chiites, leur interdisant de sortir du domicile sans l’autorisation du mari ou du gardien et légalisant le viol conjugal. C’est ce même gouvernement Karzaï qui, aujourd’hui cherche l’alliance avec une fraction des Talibans alors même que, récemment, on apprenait qu’un couple avait été lapidé dans le nord du pays. Une intervention militaire contre l’Iran, non seulement est humainement inacceptable vu ce qu’elle signifierait pour nos soeurs et frères de classe qui vivent dans ce pays, mais serait le meilleur cadeau qui pourrait être fait au régime. Depuis toujours, nous avons proclamé que la seule solution, à la fois humaine et radicale, pour en finir avec 31 années de réaction moyen-âgeuse en Iran, c’est la révolution. Et pour accomplir cette révolution, la classe ouvrière et plus généralement la population iranienne peut certes compter sur les travailleuses et les travailleurs du monde entier, mais en aucun sur les Etats existants, quels qu’ils soient. Rappelons qu’en 1991, à la fin de la guerre du Golfe, les Etats-Unis et leurs alliés ont donné les moyens à Saddam Hussein pour réprimer l’insurrection ouvrière au Kurdistan. Les Etats peuvent se chamailler et même se faire la guerre, ce qu’ils craignent le plus au monde, c’est justement la révolte des exploité(e)s, où que ce soit.

Et parmi les récents « soutiens » de politiciens à Sakineh, on ne peut que souligner l’hypocrisie de ceux qui, non seulement cherchent ainsi à faire oublier leur propre politique inhumaine, mais qui ont été ou sont encore aujourd’hui des soutien des réactionnaires religieux lorsque cela sert leurs intérêts. Giscard d’Estain, par exemple, est sorti de sa retraite. Mais qui était président de la République Française lorsque Khomeiny était hébergé à Neauphle-le-Château dans la banlieue parisienne et lui a offert le concours d’Air France pour retourner en Iran briser la révolution populaire de 1978-1979 ? C’est lui aussi qui, se faisant le promoteur de la stratégie des « démocraties occidentales » au Moyen-Orient afin d’y briser les luttes progressistes avait déclaré en 1980 « Pour combattre le communisme nous devons lui opposer une idéologie. À l’Ouest, nous n’avons rien. C’est pourquoi nous devons appuyer l’islam ». Et, la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et les régimes policiers de la région ont tous appuyé l’islamisme politique, en Iran, en Afghanistan, au Pakistan et ailleurs, comme force de frappe pour briser les aspirations à la liberté et à l’égalité des femmes et des hommes de cette région.

Au nom des droits humains universels des femmes et de l’émancipation de l’humanité, nous refusons l’apartheid sexiste, que ce soit en Iran ou ailleurs. Et voilà que Clara Burni (1) déclare « sachez que mon mari (c’est-à-dire Sarkozy) plaidera votre cause sans relâche et que la France ne vous abandonnera pas. » La France, par contre, par son soutien militaire au gouvernement Karzaï, a déjà abandonné les femmes d’Afghanistan et, par la voix du même Sarkozy, les femmes d’Arabie Saoudite qui subissent le pire apartheid sexiste au monde. En janvier 2008, à Riyad, c’est bien Sarkozy qui proclamait son amour de la monarchie obscurantiste et misogyne et de son roi, allant jusqu’à dire « L’Arabie Saoudite et la France n’ont pas seulement des intérêts en commun. Elles ont aussi un idéal commun. » Et cette même France, abandonnera à n’en pas douter Sakineh dès lors que ses conflits diplomatiques avec l’Iran seront réglés.

Depuis toujours nous combattons la lapidation, la peine de mort et l’oppression des femmes. Nous avons toujours refusé et continuons de refuser d’accepter l’apartheid sexiste au nom du relativisme culturel ou de « l’anti-impérialisme », mais de la même façon, nous ne pouvons que dénoncer l’hypocrisie de ceux qui sont de faux amis et de vrais ennemis. Et c’est bien pour les mêmes raisons que nous combattons à la fois Ahmadinejad et Sarkozy, Poutine et Obama, et finalement tous les dirigeants de ce monde, pour en construire un autre, où chaque être humain aura une vie digne du 21ème siècle… et la révolution en Iran n’est pour nous qu’une étape vers l’émancipation de l’humanité. Une révolution ouvrière victorieuse en Iran nous servirait de point d’appui pour la nécessaire révolution en Europe et partout ailleurs.

Camille Boudjak

(1) Clara Burni déclare : « En France, les enfants apprennent à l’école que la clémence est la principale vertu des gouvernants »… on est tenté de dire que s’ils l’apprennent peut-être à l’école, ils prennent très vite conscience, surtout si leurs parents sont sans-papiers ou roms, que la clémence des gouvernants s’applique bien souvent, en effet, pour les politiciens corrompus, qu’elle permet aux Papon de ne pas crever en prison… mais qu’elle est inexistante pour les prolétaires de ce pays comme partout. Mais il y a-t-il réellement des enseignant(e)s assez naïfs pour raconter de telles niaiseries aux enfants ?


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5 responses

25 08 2010
André Sivrissarian

Tout mouvement juste attire à sa cause ou pour certaines d’entre elles quand elles sont médiatisées des personnes quelquefois atypiques .
J’ai craint pour la vie de Sakineh,quand Salman Rusdy a rejoint le soutient car cela ressemblait à un affrontement avec les juges.j’ai craint que cela vienne d’un calcul visant à la mise au banc des Nation pour cautionner la faveur d’une intervention militaire.
A la lecture de cet article je suis rassuré.
Nous sommes bien en harmonie pour la libération Populaire des dogmes pour la Lumière la Liberté la Vérite et l’Humanisme pour tous.
L’Avenir nous dira si la venue de vedettes et la médiatisation sera favorable.
Mais la mise au point était nécessaire

29 08 2010
Amadéi Henri

Camille Boudjak a raison, dans cet article en tout cas.
Elle dénonce notamment l’hypocrisie verbale de pouvoirs d’Etats qui exploitent en utilisant sans vergogne des intégrismes, des corrompus, des dictatures militaires. Ainsi la plupart des « chefs d’Etats » qui paradaient ce 14 juillet à Paris sont au pouvoir par coups d’Etats ou révolutions de Palais (*). Ainsi en Afghanistan les EU ont favorisé l’intégrisme islamiste, comme Camille Boudjak l’écrit bien, soutiennent un pouvoir de chefs de guerre corrompus (*), se gardent bien de parler de mouvements comme RAWA (Femmes Révolutionnaires Afghanes) et autres opposantEs à la peste (talibans) comme au choléra (Karzaï).
La menace d’intervention militaire risque (une fois de plus !) de donner une légitimité au pouvoir islamique, de coincer un peuple entre une peste (Charia) et un choléra (forces d’occupation …).

(*) Dans la « Françafrique », la plupart des pouvoirs sont issus de coups d’Etats, de révolutions de palais, voire mascarades électorales – pas tous mais la plupart – cf. les dossiers sur la Françafrique de SURVIE, mais aussi dans OLS Offensive Libertaire et Sociale (juin 2010), L’Union Pacifiste, …
(**) Malalaï Joya , élue députée en 2005, expulsée en 2007 face aux chefs de guerre « élus » qu’elle dénonce (« Au lieu de les juger pour crimes de guerre, les américains et leurs alliés ont mis ces criminels endurcis en position de pouvoir, leur donnant tout loisir de terroriser le peuple afghan » : cf. son livre « Au nom de mon peuple », avril 2010)

26 08 2010
lucien

Article repris sur le site de Ni patrie ni fron­tières:
http://www.mondialisme.org/spip.php?article1531

11 09 2010
23 09 2010

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